La petite chronique de Damien #23 : La critique de Bonhomme

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Le 29 Aout 2018, le film Bonhomme de Marion Vernoux est sortie dans les salles obscures. Un nouveau film sur un trouble assez méconnu qu'est le syndrome frontal. Suite à un choc violent à la tête, la victime a un changement radical de comportement ayant un impact sur son autonomie, son indépendance et sa vie. Curieux et cinéphile à mes heures perdues, j'ai passé 1 heure 45 minutes de ma vie en compagnie de Piotr et Marylin. Alors que pensait du film Bonhomme de Marion Vernoux ?

Piotr et Marylin vivent heureux dans une banlieue lilloise. Lui est vendeur chez But avec une certaine réussite. Elle est vendeuse chez Go Sport avec un caractère bien à elle. Ils s'aiment, se chamaillent, se disputent comme tout couple mais un accident de voiture va tout changer. En évitant brusquement une voiture, Piotr percute le pare brise de plein fouet. La scène est accompagnée du cri de terreur d'une Marylin impuissante à nous hérisser le poil.

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A son réveil, Piotr n'est plus le même. Il a cinq ans dans sa tête et quinze ans dans le slip. Il ne sait plus répondre à des questions simples comme la date d'aujourd'hui ou son adresse. Marylin le ramène dans leur appartement, après un mois de rééducation, où il ne reconnaît rien. Il est temps d'affronter la réalité : payer les factures, gérer le comportement de Piotr, le rendre le plus indépendant possible. Piotr possède une libido exacerbée et une inhibition réduite. Il ne se rend pas toujours compte de ce qu'il dit et a des pulsions sexuelles difficiles à contrôler.

L'enjeu du film réside dans la garde de Piotr entre sa mère et sa partenaire de vie. Pour Marylin, il est difficile de garder le même rythme de vie qu'auparavant face à une mère qui souhaite récupérer son fils malade.

 

Le film montre les changements radicaux d'une vie suite à un accident qui entraine un handicap conséquent. Malgré les tentatives des membres hospitaliers pour guider Marylin, elle est perdue et entêtée à préserver leur vie d'avant. Elle participe à des réunions d'informations sur le syndrome frontal. On lui conseille la mise en place d'un aidant et de modifier ses horaires de travail. Cependant, elle croit en l'indépendance de Piotr ou renie ses besoins. Elle le laisse seul dans l'appartement rempli de post it comme appui au quotidien pendant qu'elle cherche tant bien que mal à conserver son travail. Le résultat est un début d'incendie puisque Piotr ne sait pas gérer les priorités entre sortir les poubelles et surveiller de l'huile sur le feu.

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Le médecin du couple, Dr Bensoussan, est compatissant à leur situation ayant déjà côtoyé des « frontaux ». Il leur rend des services par des arrêts de travail, en surveillant Piotr ou en témoignant en leur faveur auprès d'un juge. Leurs amis sont symptomatiques du manque de sensibilisation au handicap. Ils ne savent pas agir ou réagir au comportement de Piotr. Marylin apprend petit à petit sur le tas et la tâche n'est pas simple. La passion pour la moto de Piotr passe inaperçu et n'est pas vraiment entendue par ses proches alors que nous assistons à une scène de libération lorsqu'il a l'occasion de conduire un deux roues.

L'autre axe du handicap est cette envie de sexe perpétuelle qui est à canaliser. Un sexe en érection subtilement montré, de l'onanisme, un désir pour Marylin à assouvir à tout moment, l'hypersexualité de Piotr est omniprésente. Marylin n'est pas toujours d'accord et peut le repousser ou cela peut ressembler à un sacrifice pour le calmer. Rarement, ils peuvent retrouver une intimité et les spectateurs peuvent assister à une scène touchante. En dehors de l'impact sur leur couple, la sexualité de Piotr combinée à sa vulnérabilité peuvent amener à des actes dont il n'a pas conscience. Une expérience de travail dans le salon de beauté de sa belle-mère devient de la prostitution auprès d'une cliente. Prostitution qui va devenir un moyen de revenus avec les femmes du quartier en besoin de satisfaction. Autre scène troublante, une voisine assistante maternelle accepte de s'occuper de Piotr, jusqu'à le masturber pour maitriser son comportement.

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Je comprends ce que tente Marion Vernoux sans réellement être touché. Je suis troublé, il est à nouveau montrer que le rythme dit normal est comme le Saint Graal alors que des dispositifs existent pour rendre service. Ces services soulagent les personnes autour du patient souffrant du handicap. Il aurait pu être louable de montrer à l'ensemble de la population qu'un autre paradigme de vie, aussi différent soit-il, ne vaut pas moins qu'un autre.

La victime, Piotr, est mis au second plan au profit de son handicap et des conséquences sur son entourage. Bien qu'il faut être réaliste, le Piotr d'avant existe encore. Sa passion pour la moto est encore présente mais n'est pas comprise par son entourage. C'est une preuve de manque de patience, d'écoute et de formation à la communication dans ce genre de handicap.

Mon éthique est aussi mis à mal quant à cette solution de prostitution. Certes, l'ensemble des parties semble satisfait. Piotr est calmé, Marylin arrondit les fins de mois et les clientes sont ravies. Mais l'argument de n'avoir que cette solution ne me convient pas. Il est une preuve que Marylin est dans le déni du début à la fin enfermée dans des préjugés sur la vie possible. Le handicap de Piotr est utilisé à des fins monétaires et je ne suis pas l'aise avec cette idée.

 

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Concernant Bonhomme de Marion Vernoux, je suis partagé. Il est une réussite sur plusieurs points. L'interprétation des acteurs est à souligner notamment pour Nicolas Duvauchelle qui joue Piotr. Le sentiment de solitude chez Marylin ainsi que le manque d'informations concernant ce genre d'évènements est malheureusement véridique. Marylin se confronte au manque de compréhension des supérieurs hiérarchiques face aux besoins de prise en charge de Piotr. Les obligations capitalistes et la pression des chiffres ne permettent pas cette liberté.

En revanche, la personne souffrant d'un handicap est au second plan de l'histoire alors qu'elle est censée être centrale. A nouveau, le paradigme de vie est motivé par le souhait d'être dit normal. On ne peut que saluer l'essai de la réalisatrice qui rajoute un film sur le handicap au cinéma et qui présente un handicap méconnu au grand public. Je reste sceptique quant à certains messages contenus dans le long métrage. Je ne peux que vous conseiller d'aller le voir et de forger votre propre avis.

Damien

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